Six individus, l’allure décidée et le geste prompt, se présentèrent samedi soir chez Mme Maris Blanche, débitante, rue d’Allemagne, et demandèrent à boire.
Il faut du toupet dans la vie, mais pas trop n’en faut. Le verbe impérieux de la commande attira l’attention du garçon de salle Paul Montagnet. L'examen rapide qu’il fit des six clients fixa ses souvenirs : il reconnut les mêmes individus qui s’étaient rendu coupables de grivèlerie dans le débit où il servait précédemment et il prévint sa patronne.
Naturellement, malgré le ton comminatoire des étranges consommateurs, elle refusa net de les servir. Cela ne faisait point l’affaire des malandrins. A coups de pied et de poing, ils assaillirent Mme Blanche et mirent hors de combat le garçon qui, courageusement, s’était porté au secours de la débitante...
M. Charles Rozier, 90, rue de la Mare, qui venait d'entrer, vint à la rescousse. Mal lui en prit : il fut frappé de deux coups de couteau à la nuque et aux lèvres. Jugeant leur fureur insuffisamment assouvie, les malandrins s’en prirent aux choses et saccagèrent tout le débit.
A la suite de de ces faits, Mme Marie Blanche déposa une plainte entre les mains du M. Fagard, commissaire de police. La Sûreté fut prévenue. L'inspecteur principal Collemaz, adroitement « camouflé » fit une enquête aux environs des abattoirs de la Villette, où il soupçonnait que fréquentaient les 6 apaches. Son flair ne l’avait point trompé. Après une habile filature, aidé de deux agents, il parvint à en arrêter trois, non sans une résistance acharnée. Ceux-ci, dangereux repris de justice maintes fois condamnés pour vols, rapines, attaques à main armée, etc… se nomment Maurice Marnier, Emile Aubert et Emile Meyer, toucheurs de bœufs, demeurant à Pantin, rue des Sept-Arpents.
Leurs trois complices, activement recherchés, ne peuvent échapper longtemps aux limiers lancés à leur poursuite.